Le sommet de Sotchi entre l’Afrique et la Russie a permis à Moscou d’exprimer son désir de revenir sur le continent. Mais contrairement à l’époque de l’URSS qui se manifestait par une politique d’aides, la nouvelle présence russe en Afrique s’oriente de plus en plus vers les médias.

Dans le cadre du conflit opposant la Russie à l’Ukraine, les pays membres de l’OTAN mettent tout en œuvre pour empêcher Sputnik et RT, principaux relais médiatiques de Moscou, de continuer de diffuser en Europe. Ces dernières années, les médias russes jouent un rôle important dans le softpower du Kremlin. Cela se vérifie aussi en Afrique. Selon le rapport « Russian medias and Africa : exercising softpower », de l’Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA), les médias publics russes gagnent en popularité sur le continent africain.

D’après l’étude, « pas moins de 4000 sites d’information en Afrique republient du contenu provenant de médias parrainés par le Kremlin ». Cette information prend une dimension importante dans le cadre du retour vers le continent africain amorcé par la Russie en 2019 avec le sommet de Sotchi.

D’après l’étude, « pas moins de 4000 sites d’information en Afrique republient du contenu provenant de médias parrainés par le Kremlin ».

Avec une croissance des audiences africaines de RT et de Sputnik, les concurrents de la Russie, notamment les Etats-Unis, s’interrogent déjà sur le niveau d’influence déjà acquis par le Kremlin sur le continent.

D’après le rapport du SAIIA, entre novembre 2017 et janvier 2018, le nombre d’abonnés à la page Facebook de RT France est passé de 50 000 à 850 000 unités. La grande majorité de ces abonnés vient du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. « On ne sait pas exactement pourquoi RT France est un média qui attire autant, mais il faut savoir que la maison mère du groupe a mené une vaste campagne de publicité pour accroître son audience africaine. Les francophones du continent admirent Poutine en tant que dirigeant ayant sorti son pays de l’ornière dans laquelle les pays occidentaux, notamment les anciennes puissances coloniales, l’ont poussé », explique le rapport.

Dans un contexte où le sentiment anti-français, voire anti-occidental, commençait à grandir dans plusieurs pays du continent, le discours d’opposition à l’Occident des médias russes a trouvé un écho auprès des populations de nombreux pays africains.

L’Afrique, nouveau terrain de bataille médiatique de la Russie et de l’Occident

D’une manière globale, la présence médiatique russe en Afrique semble répliquer les codes de communication anti-occidentale qui rappelle la guerre froide. « Bien que les gros titres des journaux aient tendance à surestimer l’influence russe en Afrique, les efforts de Moscou pour influencer l’opinion publique sur le continent ne sont pas négligeables et doivent être considérés comme faisant partie d’une stratégie plus large. Il s’agit de repousser les efforts américains de diffusion de leurs valeurs démocratiques et de promouvoir les intérêts commerciaux des entreprises russes (ayant des liens avec le gouvernement). Ces efforts sont destinés à faire renaître la Russie en tant que superpuissance d’envergure mondiale », peut-on lire dans le rapport.

« Les francophones du continent admirent Poutine en tant que dirigeant ayant sorti son pays de l’ornière dans laquelle les pays occidentaux, notamment les anciennes puissances coloniales, l’ont poussé »

L’usage des médias dans la propagande des valeurs russes n’est pas nouveau. « L’Union soviétique a maintenu une forte présence en Afrique après la Seconde Guerre mondiale. Elle a fourni un soutien matériel, logistique et idéologique. A l’effondrement de l’URSS en 1991, l’État russe en faillite s’est retiré de ses engagements en Afrique et dans le monde. Mais, soutenu par une politique étrangère plus agressive sous la présidence de Vladimir Poutine, l’engagement russe sur le continent a été relancé, notamment après l’annexion controversée de la Crimée par la Russie en 2014 », peut-on lire dans le rapport. Le point d’orgue de ce retour a été le sommet Russie-Afrique qui s’est tenu à Sotchi en octobre 2019. Le discours russe a notamment trouvé une caisse de résonnance dans des pays en situation compliquée où l’action occidentale était décriée, comme le Mali ou la République centrafricaine. Et il semblerait que ses efforts portent leurs fruits. « Dans la presse locale en République centrafricaine, la Russie reçoit beaucoup d’éloges pour le soutien qu’elle apporte aux activités sociales et culturelles », détaille le rapport. Pour le SAIIA, les médias locaux sont influencés de diverses manières par le softpower russe. « RT, Sputnik et TASS sont des acteurs clés. Ils recherchent activement des partenariats avec des médias africains et proposent même des formations aux rédactions. Aussi, les contenus en ligne produits par RT et Sputnik et publiés en français sont devenus populaires en Afrique francophone ».

Il est toutefois important de préciser que les médias russes ciblant l’Afrique ne passent pas leur temps à discréditer l’occident. « Ils cherchent également à rendre compte d’histoires négligées en Afrique en offrant un point de vue différent », reconnait la SAIIA. De toutes les manières, les médias traditionnels ne sont pas les seuls outils susceptibles d’aider la Russie à atteindre ses objectifs africains. L’autre grand axe d’influence du softpower russe reste les réseaux sociaux.

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